C'est un endroit qui n'existe pas. J'aime m'y rendre le plus souvent possible, précisément parce qu'il n'existe pas, parce qu'il a sa propre façon de n'être pas. Une frontière mouvante, un axe tordu qui rectifie l'âme et le jugement des errants. Il est un abîme dans l'épaisseur de l'Homme, tant qu'il n'est qu'une imitation d'une autre verticalité, celle qui mène à Dieu et à ce qui le dépasse. La zone intertidale, ultime limite entre la terre et l'eau, entre l'informé et l'indifférencié, est là pour montrer à celui qui a les yeux pour voir que le monde ne nous appartient pas, que la terre qui nous a été promise a été faite de sable pour rendre toute fondation impossible, et qu'elle demeure trempée la moitié du temps pour empêcher l'Homme de s'arrêter et de cultiver : il ne peut que marcher. Sillonner cette langue humide, ce désert inondé, les chevilles léchées par les lames émoussées de la mer,